Le Canadase relève des difficultés de l’année dernière 

par Robin Brunet

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Comme le révèle un rapport de Research and Markets publié au mois d’août, et d’un point de vue strictement fondé sur les données, le secteur de la construction au Canada n’a pas été épargné par les vents contraires en 2023.

Ce rapport prévoyait qu’en 2023, l’ensemble du secteur connaîtrait une contraction de 5,2 %, ce déclin étant « principalement dû à une activité réduite dans la construction de logements en raison du durcissement des politiques monétaires et du ralentissement économique ». 

Et pourtant, ce chiffre décevant ne correspond pas au niveau d’activité rapporté par les secteurs de la construction et du commerce, plus actifs que jamais. « Notre secteur emploie quelque 1,6 million de personnes dans tout le Canada qui, en 2023, n’ont cessé de travailler, que ce soit dans le public ou dans le privé, » déclare Mary Van Buren, présidente de l’Association canadienne de la construction (ACC). « En fait, la charge de travail est telle qu’il nous manque environ 59 000 personnes. »

Sean Strickland, directeur général du Syndicat des métiers de la construction au Canada, partage cette opinion. « Où que vous regardiez, les affaires sont florissantes, depuis les usines de véhicules électriques au Québec, à la production d’hydrogène en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, en passant par les projets de stockage du carbone en Alberta et les nouvelles centrales nucléaires en Ontario. 

« De plus, il est important de souligner qu’un grand nombre de ces projets sont d’envergure colossale; à ce titre, l’Alberta est un bon exemple. L’année prochaine à Edmonton, Dow Chemical investira 11,5 milliards de dollars dans la rénovation et l’agrandissement de son usine chimique pour en faire le premier craqueur d’éthylène sans émission de gaz à effet de serre dans le monde. »

« Malgré le ralentissement du marché de l’immobilier résidentiel, la demande de nouveaux logements a explosé sous la pression des 500 000 nouveaux Canadiens qui s’établissent dans le pays chaque année », ajoute-t-il. 

Selon M. Strickland, cet optimisme s’explique en grande partie par l’évolution du portefeuille industriel du Canada. La multiplication des centres de traitement de données dans le pays, motivée par des conditions climatiques favorables à l’augmentation de la demande d’infonuagique et d’IdO, en témoigne. Le cabinet de consultants Linesight indique que les projets de centres informatiques en cours représentent plus de 7,4 milliards de dollars américains, dont un grand nombre est concentré en Ontario et au Québec.

Selon Linesight, le gouvernement fédéral a l’ambition de faire du Canada une plaque tournante de l’industrie propre — d’où les investissements dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques et dans le stockage de carbone, ainsi que dans les giga-usines du sud de l’Ontario — ce qui a contribué au seul point encourageant de 2023 : un taux de croissance estimé à 15,5 % pour l’ensemble du secteur industriel.

Bien entendu, les projets conventionnels demeurent essentiels à l’essor du secteur industriel. « Pour ne citer que quelques exemples, nous travaillons à la rénovation des centrales nucléaires de Darlington et de Pickering, ainsi qu’à de gros projets hospitaliers, » déclare Ian Cunningham, président du Council of Ontario Construction Associations (COCA). 

Ces projets s’étendent sur plusieurs années, ce qui explique pourquoi, en dépit des prévisions de contraction économique, les travailleurs du secteur de la construction sont plus actifs que jamais, et l’exemple du nouvel hôpital de South Niagara, à Niagara Falls, en témoigne — après dix ans de planification, la construction de ce complexe hospitalier de 3,6 millions de dollars a démarré en juillet et ne sera pas achevée avant 2028. 

Toutefois, l’essor du secteur industriel, qui devrait se prolonger, ne fait qu’accentuer le manque persistant de main-d’œuvre. « De plus, même en supposant que les travailleurs qui ont derrière eux des dizaines d’années d’expérience et qui partent aujourd’hui en retraite soient remplacés, il faudra longtemps pour que les nouveaux ouvriers deviennent aussi efficaces et acquièrent la même capacité à résoudre les problèmes, ce qui est indispensable pour le développement de notre activité » explique M. Cunningham.

Néanmoins, en ce qui a trait au recrutement de nouveaux arrivants, M. Strickland se veut optimiste. « C’est dans l’ADN de notre secteur d’attirer ces personnes, et nous continuons à appuyer les initiatives visant les femmes et les Premières Nations. Des données récentes, issues de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada, indiquent effectivement que, grâce aux programmes combinés du gouvernement et du secteur de la construction, le nombre de femmes travaillant dans le bâtiment a augmenté sensiblement, dépassant le taux de croissance de la main-d’œuvre masculine en 2023.  

« Je pense également que la multiplication d’ouvrages tels que les installations et les infrastructures qui contribuent à la décarbonation et à d’autres objectifs écologiques pourrait exercer un fort attrait sur les jeunes », estime M. Strickland.

Mme Van Buren souligne qu’étant donné qu’environ 13 % de la main-d’œuvre du secteur de la construction devrait partir en retraite entre 2022 et 2027, son association plaide pour que des changements soient apportés au système d’immigration canadien afin de faciliter l’entrée d’immigrants qualifiés et de travailleurs étrangers temporaires, intéressés par un emploi dans le bâtiment.

En outre, l’ACC s’est associée au Forum canadien sur l’apprentissage, à l’Aboriginal Apprenticeship Board, à ConstruForce Canada et à d’autres organisations afin de promouvoir le Service d’apprentissage canadien d’Ottawa, qui offre aux petites et moyennes entreprises jusqu’à 20 000 $ d’incitatifs financiers par exercice fiscal pour recruter et assurer la première année de formation des apprentis, dans 39 métiers désignés Sceau rouge.

« Nous souhaitons également l’élaboration d’un plan fédéral d’infrastructure à long terme, s’appuyant sur un mécanisme d’évaluation pour déterminer quels sont les projets dont le Canada a vraiment besoin » ajoute Mme Van Buren. « Cela nous permettrait d’éviter les cycles de surchauffe et de récession qui accompagnent les changements de gouvernement et de planifier nos besoins en termes de compétences. »

En ce qui concerne M. Strickland, il y a une initiative relative à la main-d’œuvre qui l’enthousiasme particulièrement. « Les crédits d’impôt à l’investissement offerts par Ottawa, qui prendront effet en janvier, sont une excellente nouvelle pour nos entrepreneurs syndiqués et inciteront les entreprises non syndiquées à payer leurs employés au tarif syndical et à garder leurs apprentis », souligne-t-il.

En dépit des difficultés actuelles, le rapport de Research and Markets estime que le secteur de la construction « devrait connaître entre 2025 et 2027 un taux de croissance moyen de 2,7 % par an, soutenu par des améliorations dans les domaines de l’industrie, de l’énergie et des transports. »

Enfin, il convient de souligner un facteur qui favorisera la croissance : en 2023, le prix des matériaux a diminué par rapport à la hausse qu’ils avaient connue durant la pandémie, le prix du bois d’œuvre est stable et celui du cuivre et des barres d’armature en acier, entre autres, a baissé. Même le prix du ciment, qui avait augmenté en raison de règlements environnementaux plus stricts, évolue plus lentement qu’auparavant. ▪