par / Jordan Whitehouse
Aucune économie au monde ne sort indemne de la crise du coronavirus, et celle des provinces et territoires du Canada ne fait pas exception. Toutefois, bien qu’on ignore encore largement quelles seront les répercussions économiques de cette crise en 2021, dans l’ensemble, l’industrie de la construction pourrait assez bien s’en tirer, selon des experts du secteur.
Cependant, au dire de ces mêmes experts, plusieurs facteurs devront converger pour que cela se produise. Par exemple, les provinces devront mieux profiter du plan Investir dans le Canada du gouvernement fédéral, qui a affecté 180 milliards de dollars sur douze ans à des dépenses d’infrastructure. Jusqu’à présent, certaines provinces ont investi moins de 50 % de ces fonds. « C’est beaucoup d’argent fédéral disponible qui n’a pas encore été réclamé, signale la présidente de l’Association canadienne de la construction, Mary Van Buren. Si on ne lance pas d’appels d’offres et qu’on n’utilise pas ce financement, qu’est-ce qu’on attend pour le faire ? »
La relance de l’industrie de la construction reposera aussi en grande partie sur les mesures de stimulation de l’économie prises par le gouvernement, affirme Mme Van Buren. La confiance des investisseurs sera un autre élément important pour la reprise, indique Richard Forbes, économiste principal au Conference Board du Canada. « La situation en matière d’investissements d’affaires au Canada était précaire depuis quelque temps, même avant la pandémie, et elle est encore plus incertaine maintenant, indique-t-il. D’après moi, l’ampleur du rétablissement de l’industrie de la construction est tributaire de la mesure dans laquelle les investissements reprendront. C’est là le facteur clé. »
La confiance des investisseurs dans des projets industriels précis sera essentielle à la relance de ce secteur, ajoute M. Forbes. Cela dit, jusqu’à présent, dans le domaine de la construction industrielle, la demande de locaux d’entreposage a été un élément positif, fait-il remarquer. Avant la crise sanitaire, le magasinage en ligne avait déjà accéléré le rythme de la construction d’entrepôts et, maintenant, il l’accroît encore plus car le commerce électronique continue de prendre de l’essor.
Dans le secteur de la construction commerciale, les perspectives sont peu encourageantes puisque les employés continuent de travailler chez eux et que les entreprises essaient de se débarrasser de locaux en raison des répercussions économiques de la crise sanitaire. Au centre-ville de Toronto et de Vancouver, les taux d’inoccupation des immeubles de bureaux qui étaient inférieurs à 2 % avant la pandémie dépassent maintenant 4 %. À Ottawa et à Montréal, les bureaux du centre-ville ont des taux d’inoccupation de plus de 8 %, tandis qu’à Calgary, près de 30 % des bureaux sont vacants.
La pandémie a aussi un impact important sur le secteur de la construction d’immeubles résidentiels à logements multiples. Bien que ce secteur d’activité reste dynamique dans les plus grandes villes du pays, le marché de la revente témoigne de la perte de faveur des immeubles à petits appartements et à forte densité dans les centres-villes. « En revanche, les habitations multifamiliales à faible densité dans les villes secondaires telles que Kitchener par rapport à Toronto, ainsi que Barrie et Peterborough, s’avèrent plus populaires et il faut donc s’attendre à ce qu’elles devancent les unités à densité élevée des noyaux urbains », mentionne Robin Wiebe, économiste principal au Conference Board du Canada.
Cependant, les pénuries de main-d’œuvre continuent d’être une préoccupation majeure dans tous les secteurs de l’industrie de la construction, quels qu’ils soient. On manque de gens de métier qualifiés, mais aussi pratiquement de tous ceux qui jouent un rôle dans l’industrie, depuis les camionneurs jusqu’aux ingénieurs, en passant par les directeurs de chantiers et les préposés aux devis. C’était un problème sérieux avant la crise sanitaire et il a été exacerbé par la fermeture des frontières, nous dit Mme Van Buren. « Les néo-Canadiens était ordinairement une source assez fiable de nouvelles recrues pour notre industrie, mais nous avons eu une immigration presque nulle en 2020 alors que la tendance était d’accueillir environ 400 000 personnes par an. Si l’on suspend l’immigration, cela rendra donc la course aux talents encore plus féroce. »
Dans de plus petits marchés, le programme de Prestation canadienne d’urgence du gouvernement fédéral a empiré cette course parce qu’il dissuadait des gens de travailler, affirme Mme Van Buren. Cependant, des programmes gouvernementaux tels que la Subvention salariale d’urgence du Canada ont certainement aidé des entreprises à conserver des travailleurs pour les moments où elles en ont eu le plus besoin, fait observer Richard Forbes.
L’engagement ferme et soutenu des gouvernements fédéral et provinciaux à l’égard de la réduction des délais de paiement est un élément réjouissant, affirme Mme Van Buren, et il demeurera vital durant la période d’incertitude économique provoquée par la crise. Elle fait cependant remarquer que le gouvernement fédéral doit aider à rembourser les coûts associés à la pandémie, tels que ceux de l’équipement de protection individuelle. « Comme notre industrie a assumé la plupart de ces coûts, nous demandons au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership à cet égard, afin que les autres, qu’il s’agisse de propriétaires privés ou d’autres ordres de gouvernement, voient que c’est la chose à faire. »
Selon Mme Van Buren, le rehaussement des normes d’hygiène et le recours accru aux technologies sont deux autres éléments positifs qui ressortent de la pandémie. La COVID-19 a évidemment nécessité des efforts particulièrement soutenus concernant l’hygiène, mais l’adoption rapide par notre industrie de protocoles nouveaux et souvent changeants, et sa pleine collaboration en la matière, ont inspiré une grande confiance dans notre main-d’œuvre, affirme-t-elle. En ce qui concerne les technologies, les employés de bureau de notre industrie ont adopté assez rapidement des outils comme Zoom et d’autres outils de collaboration et cela a entraîné des gains de productivité dans certains cas, ajoute-t-elle.
Donc, en dépit du fait que l’incertitude globale engendrée par la crise sanitaire et le climat économique au Canada continueront certainement de faire vivre des moments angoissants à toute l’industrie de la construction au pays, il y a des raisons d’espérer. « Nous croyons que le domaine de la construction est le bon tremplin pour relancer l’économie et qu’il est rentable d’investir dans l’infrastructure, déclare Mme Van Buren. Nous continuerons donc d’aller de l’avant. Nous sommes optimistes pour 2021. » ▪