par Matthew T. Potomak and Jeremy S. Koch
Quand on doit faire exécuter des travaux de construction urgents, il est fréquent de se précipiter avant d’avoir défini correctement les rapports contractuels et les modalités de paiement qui s’y rapportent. L’affaire récente All Out Contracting Ltd. c. Gourlay, 2018 BCSC 481, met en lumière une situation qu’on rencontre souvent, à savoir que des travaux commencent même si le texte de l’estimation est ambigu.
Les faits
Dans cette affaire, la partie défenderesse est propriétaire d’une maison à Nanaimo, en Colombie-Britannique ; la maison jouxte et surplombe un ruisseau. À l’arrière de la maison, un grand mur de soutènement contient le sol en contrefort.
En 2015, les propriétaires remarquent que le mur de soutènement produit une protubérance et constatent l’existence de vides sous la dalle de la terrasse arrière. Les propriétaires font rapidement appel à un entrepreneur, la partie plaignante, pour des travaux de démolition et de reconstruction du mur de soutènement.
Après un examen du site par divers ingénieurs et représentants de la municipalité, l’entrepreneur fournit aux propriétaires une estimation des frais de construction, estimation signée par les deux parties. L’estimation comprend l’étendue des travaux et précise que le prix du contrat correspondra au prix fixé par majoration des coûts. Le prix établi dans le contrat pour les travaux [est] d’un montant entre 80 000 $ et 100 000 $, mais l’estimation n’explique pas clairement la formule de calcul de la partie de la majoration des coûts. L’estimation indique par ailleurs que le prix est approximatif et qu’il dépend de l’avis des ingénieurs et d’un biologiste.
L’entrepreneur commence donc les travaux, mais fait rapidement face à des complications imprévues. La terre de remblayage derrière le mur est instable et la maison repose en partie sur le remblai. Il faut donc enlever la terre de remblayage et la remplacer pour renforcer la structure de soutènement et éviter que la maison ne s’enfonce du côté du remblai. Comme l’assurance générale du propriétaire est menacée et que ce dernier doit aussi renouveler son hypothèque, l’entrepreneur continue les travaux avec l’aval du propriétaire sans préciser ce qu’il en est des prix.
Et voilà qu’à la fin des travaux l’entrepreneur présente sa facture de 206 505,80 $ aux propriétaires. Ceux-ci ont déjà versé 140 000 $ et refusent maintenant de payer le reste. Selon les propriétaires, l’estimation initiale d’un montant entre 80 000 $ et 100 000 $ est contraignante et l’écart de 20 000 $ cité dans l’estimation concerne justement les imprévus.
Le jugement
La Cour supérieure de la Colombie-Britannique, faisant appel aux principes d’équité, a accordé seulement 22 194,50 $ à l’entrepreneur, en plus de ce que les propriétaires avaient déjà payé. Les frais de l’entrepreneur ont été grandement réduits, car les prix de la main-d’oeuvre avaient considérablement diminué. Si l’entrepreneur avait clairement établi ses prix dès le départ, il aurait eu droit à sa marge bénéficiaire de 15 %. Or, la Cour a décrété en l’espèce une marge de 7 %.
Le risque était considérable que l’estimation soit jugée contraignante pour l’entrepreneur et pourtant la Cour a néanmoins déclaré que l’estimation était bien tributaire de l’avis d’experts des ingénieurs et d’un biologiste.
Selon le tribunal, toute cette confusion aurait pu être évitée si l’entrepreneur avait clairement décrit d’entrée de jeu ses coûts et sa marge de profit.
Leçons à tirer
- Définissez vos rapports contractuels avec le client dès le départ et par écrit. L’entrepreneur doit inclure dans l’entente des modalités claires en matière de prix pour pouvoir se protéger. Si l’entrepreneur souhaite recouvrer sa marge bénéficiaire dans une entente de fixation de prix par majoration des coûts, il est tenu d’en préciser le pourcentage avant le début des travaux ; cette marge s’ajoutera aux coûts.
- La question de savoir si une estimation est contraignante ou non dépend des faits. Il faut ajouter des conditions rigoureuses et clairement définies dans l’estimation pour éviter que celle-ci ne soit interprétée comme une entente contraignante relativement au prix maximal.
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Le lecteur québécois comprendra que la présente traduction française a été établie dans le contexte du régime de la common law et qu’il doit consulter un juriste pour procéder aux adaptations exigées le cas échéant par le droit civil québécois.