par / Candie Beane
Vous participez à une réunion en présentiel ou en virtuel, et voilà qu’un débat très animé s’amorce entre deux collègues. Une dispute éclate, le ton monte, ferme et péremptoire. Les observateurs de la scène, pour intéressés qu’ils soient par le débat, se demandent s’ils devraient intervenir et y mettre fin. Cela dure encore quelques minutes, puis, inévitablement, quelqu’un propose que ces personnes se reparlent « hors ligne ». Que pensez-vous d’une scène comme celle-là ? Est-il approprié ou non de laisser pareil débat se poursuivre durant une réunion de travail ? Trop souvent, on est enclin à étouffer les conflits au nom de l’efficacité et de l’harmonie, alors que c’est plutôt le contraire qui est vrai.
Afin de mieux comprendre pourquoi le conflit productif est nécessaire à la réussite, nous devons d’abord savoir en quoi il consiste. Le conflit productif se définit comme « un échange ouvert d’idées contradictoires ou divergentes pendant lequel les parties se sentent également entendues, respectées et suffisamment en confiance pour pouvoir exprimer des opinions dissidentes, le but recherché étant d’en arriver à une résolution qui convienne à tous ».
« Il faut savoir faire la distinction entre confrontation d’idées productive d’une part et disputes ou luttes de pouvoir destructrices d’autre part », affirme Patrick Lencioni, auteur de The Five Dysfunctions of a Team. « La confrontation d’idées se limite à des concepts et à des notions, et évite les attaques mesquines contre la personne. »
Pendant des échanges musclés, on exprime sa passion, sa frustration, ses émotions ; les désaccords peuvent facilement être jugés à tort comme non productifs. Cependant, il faut voir si le conflit est productif ou non. S’il est productif, il est préférable qu’il se poursuive car un conflit sain fait gagner du temps et est le meilleur moyen pour le groupe d’en arriver plus rapidement à la meilleure solution possible.
Pourquoi le conflit productif est-il important pour tout organisme qui se respecte ? Le conflit productif suscite l’enracinement de la culture d’entreprise dans un terreau de confiance ; les membres et les chefs d’équipe peuvent échanger ouvertement des perspectives différentes tout en priorisant les solutions sans crainte de représailles, et ce sans parler des autres avantages :
- ouverture à des idées nouvelles
- progression des équipes
- réduction des luttes de pouvoir
- incitation à une meilleure écoute
- forum pour toutes les voix
- souplesse didactique
- résolution rapide de problèmes en temps réel
Il n’est pas facile, certes, d’en arriver à ce degré de confiance dans un groupe, avec les collègues ou entre les membres d’une équipe. Il faut être résolu et vouloir implanter et promouvoir le changement. Les dirigeants et les individus doivent s’habituer à se sentir à l’aise de soulever des questions délicates et à en discuter. Le fait de disposer de bons outils peut aider. Envisagez par exemple de nommer un modérateur de conflit pour vous assurer que le message s’en tienne aux concepts et aux idées, et proposez une réelle possibilité de débattre pendant les échanges. Le modérateur peut être toute personne de l’équipe qui aura été chargée de maintenir l’objectivité des discussions.
« Un moyen simple et efficace pour parvenir à maintenir cette objectivité consiste à identifier le moment où les personnes dans un conflit commencent à se sentir mal à l’aise, et à interrompre la conversation pour leur rappeler que ce qu’elles font est nécessaire », précise M. Lencioni.
Les dirigeants de l’organisme ou de l’entreprise sont appelés à jouer un rôle différent de celui du modérateur. Ils doivent tout d’abord faire preuve de réserve et laisser le conflit se dérouler, appelant à la modération au besoin, mais en donnant aux participants la possibilité d’en arriver à une solution d’eux-mêmes. Malheureusement, on pense que les dirigeants qui laissent un conflit surgir ont perdu le contrôle de la situation alors que ce sont ceux qui empêchent le conflit productif qui ne rendent pas service à leur équipe ni à la culture d’entreprise.
De plus, il importe que les dirigeants comprennent mieux leurs propres comportements et limites en matière de conflits, et ceux des membres de leur équipe, et ce dans l’optique de les aider à reconnaître les besoins émotifs et sociaux en jeu et de réagir en conséquence. Il existe toutes sortes d’outils pour toutes sortes de personnalités et de comportements, comme Everything DiSC Productive Conflict, qui proposent aux chefs d’équipe et à leurs membres des idées à adapter aux circonstances pour composer avec les réactions destructrices et apprendre à mieux communiquer.
Cela dit, que peuvent faire les équipes si elles ne disposent pas immédiatement d’information personnalisée ? Voyons ce qu’on peut faire pour régler les mésententes.
Prenons conscience de nous-mêmes !
« D’après la Harvard Business Review, 95 % d’entre nous croyons être conscients de nous-mêmes, mais seulement entre 10 et 15 % le sont vraiment », affirme Krister Ungerböck, fondateur de The Global Talk SHIFT Movement.
Prendre conscience de soi-même exige un examen rigoureux de la façon dont on réagit en situation de conflit. Demandez-vous comment vous réagissez lorsque vous êtes en colère. Quelles sont les émotions qui vous envahissent ? Quels sont les éléments déclencheurs habituels ? Quelle est votre réaction typique ? Vous ripostez sans penser ou vous vous refermez sur vous-même, préférant ne rien dire ? Si vous en arrivez à comprendre vos réactions instinctives, vous pourrez apprendre à les améliorer pour en faire quelque chose de plus utile. Le plus important avant de réagir, c’est de faire une pause. Prenez quelques respirations et notez votre langage corporel, votre ton, les mots qui vous viennent à l’esprit. Apprenez à éviter les comportements négatifs à répétition.
Restons ouverts d’esprit !
Rester ouvert d’esprit paraît simple, mais c’est chose difficile pour la plupart. Nos convictions et nos réactions émotives viennent nous chercher et nous empêchent souvent d’écouter le point de vue de l’autre. Harvey Deutschendorf, expert de l’intelligence émotive, auteur et conférencier, explique : « Quand quelqu’un exprime une idée avec laquelle on n’est pas d’accord, on commence d’habitude par penser à une riposte alors même que l’interlocuteur n’a pas fini de parler. Plus la charge émotive est forte, plus on ressent l’envie de répliquer. »
Si vous êtes ouvert d’esprit, vous savez écouter, ce qui vous donne la capacité de poser des questions. Et quand vous posez des questions, vous démontrez par là même que vous tentez de comprendre le point de vue de l’interlocuteur et de le respecter — et ce même si vous n’êtes pas d’accord — si bien que le conflit reste sain et productif.
Soyons raisonnable !
Sachez qu’en cas de désaccord il y a habituellement plus d’une solution à un problème. Il est utile d’avoir des perspectives, des expériences et des antécédents différents.
« Nous avons cette tendance naturelle à chercher les défauts et les faiblesses que nous pouvons attaquer dans la position de notre interlocuteur. Cherchons plutôt les terrains d’entente communs », rappelle M. Deutschendorf.
Mettons de l’avant nos capacités de raisonner et de négocier. Trouvons un arrangement dans l’optique de réduire les réactions émotives et d’en arriver à résoudre plus rapidement toute situation de conflit.
L’aptitude à gérer les conflits d’une façon productive et respectueuse est nécessaire et peut se transférer de la vie professionnelle à la vie personnelle avec son conjoint ou sa conjointe, ses associés, ses parents et amis. On apprend ainsi à devenir objectif et à avoir sur la situation un point de vue plus équilibré. Nous savons bien que les divergences d’opinion ne disparaîtront pas, mais savoir naviguer en eau trouble peut susciter de nombreux avantages : innovation, mobilisation, collaboration et amélioration des interactions humaines.
Reproduction autorisée de l’article tiré du numéro de novembre 2021 de Partners in Progress magazine. Consultez pinp.org pour plus de renseignements.▪