par / Steve Clayman
Revenons dix ans en arrière sur un problème grave, le sujet du jour qui inquiétait à l’époque le secteur du calorifugeage : les tuyaux de plastique non isolés. La question occupait les esprits au point où des sociétés comme Owens Corning et Nomaco consacraient temps et argent pour effectuer des tests destinés à confirmer (ou à infirmer) les attestations des fabricants de tuyaux de plastique selon lesquelles l’épaisseur de la paroi des tuyaux de plastique procurait une valeur R suffisante pour justifier la réduction de l’épaisseur de la matière isolante et même son élimination. C’est alors que la National Insulation Association (NIA) s’est impliquée dans l’affaire, comme l’ACIT d’ailleurs.
Inutile de dire que les fabricants de tuyaux de plastique ont révisé leur démarche sur la question d’un point de vue technique… mais pas forcément du point de vue marketing. Ce dernier commentaire est sans doute un peu sévère. Peut-être faudrait-il simplement dire que les fabricants de tuyaux de plastique n’ont pas dissipé le malentendu qu’ils avaient suscité en affirmant que les produits isolants n’étaient plus nécessaires. Et, de fait, à l’aube de 2022, les tuyaux de plastique non isolés demeurent un sujet d’inquiétude. Pourquoi est-ce que, dix ans plus tard, ils posent toujours problème ?
Contexte
Examinons ce qui a été publié jusqu’à maintenant.
Nomaco Insulation (maintenant propriété d’Armacell)
Insulating Plastic Piping in Plumbing and Hydronic Heating Applications (Isolation des tuyaux de plastique pour les applications de plomberie et de chauffage à l’eau chaude), 5 juin 2012, par Shawn Dunahue, directeur technique, Ventes.
Selon M. Dunahue, il existe deux raisons principales pour lesquelles on installe des produits d’isolation mécanique sur la plomberie et les systèmes de chauffage à eau chaude qui fonctionnent à 200 oF : lutte à la condensation et conservation de l’énergie. Il donne l’exemple d’un hôtel de trois étages muni de 6 150 pieds linéaires de tuyaux PEX de 0,5 po à 2 po de diamètre. Dans cet hôtel, le système de circulation d’eau chaude est réglé à 140 oF pour une humidité relative de 50 %. La température ambiante est de 72 oF. Faut-il isoler les tuyaux ou non ?
Malgré ce que laissent sous-entendre les documents du fabricant, le code en vigueur prescrit une épaisseur d’un pouce d’isolant à tuyau. Qui va vérifier que c’est bien ce qui a été fait ?
Owens-Corning
K-Value Calculations & Heat Loss (Calcul des valeurs K et pertes de chaleur), 20 juin 2011.
Owens Corning renvoie à la norme ASTM C335, Standard Test Method for Steady-State Heat Transfer of Pipe Insulation (Méthode d’essai normalisée pour la mesure des propriétés de transfert thermique en régime permanent des produits isolants pour tuyaux). Résultats des tests effectués :
- Aquatherm
- Température d’épreuve : 150 oF
- Valeur R : 0,64
- Aquatherm + tuyau Owens Corning
- Température d’épreuve : 149,98 oF
- Valeur R : 5,07
- Conclusion du rapport
- « L’eau chaude qui circule à une température de 140 oF dans un tuyau de plastique non isolé d’un pouce de diamètre perd 34,26 BTU / heure sur une distance d’un pied dans un bâtiment à 70 oF. »
- « Si le même tuyau de plastique d’un pouce est isolé avec de la fibre de verre d’un pouce d’épaisseur, aux mêmes températures pour l’eau et le bâtiment, la perte d’énergie sur une distance d’un pied est de 7,95 BTU / heure. »
National Insulation Association
Insulation for Plastic Piping: How Much is Needed? (Isolation des tuyaux de plastique : combien il en faut), dans Insulation Outlook, 1er septembre 2012, par Christopher P. Crall.
Ce rapport détaillé de neuf pages (insulation.org/io/articles/insulation-for-plastic-piping-how-much-is-needed) présente une justification fouillée de la question de l’isolation, ou non, des tuyaux de plastique. Dans la conclusion, on insiste sur la conservation de l’énergie et la lutte à la condensation, et on examine comment l’isolation à tuyau, quel que soit le matériau de la paroi, est avantageux à court et à moyen terme.
ACIT
Bulletin technique no 1 – Isolation et tuyaux de plastique, en plus de plusieurs exposés et communications sur le sujet.
Il s’agit d’un résumé sur l’objet des calculs et d’un exposé sur l’importance de l’isolation à tuyaux pour la conservation de l’énergie et de l’eau, la lutte à la condensation et la protection du personnel.
Aquatherm
Bulletin technique d’Aquatherm, 201208A-AQTTB, Piping Condensation and Aquatherm (Condensation de la tuyauterie et Aquatherm), 15 août 2012.
Citation du rapport (caractères gras d’Aquatherm) :
- « Mais, dans des conditions propices, il n’est pas assuré que même les tuyaux d’Aquatherm ne seront pas associés à de la condensation. »
- « Aquatherm est donc d’avis que tous les systèmes de tuyauterie où circule de l’eau froide ou de l’eau refroidie, ou bien si la température à la surface des tuyaux peut se situer sous la température ambiante, doivent être isolés conformément aux dispositions du code. »
IPEX AquaRise
Le fabricant annonce la valeur R de son produit dans le tableau ci-après. Rappelez-vous ceci quand vous étudiez les données :
- Le coefficient de conductivité thermique pour le produit AquaRise est de 0,95 BTU/hr/pi2/oF/po. Il importe de noter le pouce à la fin de l’expression du coefficient. La valeur R est donc de 1,05 le pouce. À supposer que la paroi fasse 1/8 de pouce d’épaisseur, la valeur R s’établit alors à 0,13. Avec de l’isolation en fibre de verre pour tuyau, la valeur R serait de 4,3.
- Aucune méthode d’essai n’est citée.
Conductivité thermique
Comparativement aux matériaux métalliques classiques, la conductivité thermique des thermoplastiques est faible, ce qui leur confère d’excellentes propriétés isolantes. C’est pourquoi la possibilité que de la condensation se forme sur l’extérieur du tuyau AquaRise est grandement réduite par rapport au tuyau métallique. Par ailleurs, la plupart des tuyaux de métal exigent la pose d’isolation pour éviter la condensation. Si le concepteur a prescrit des produits isolants, la rigidité des produits AquaRise en facilite l’installation.
Nota : Pour optimiser l’efficacité des systèmes de circulation d’eau chaude, nous recommandons que les produits AquaRise ou tout autre type de tuyau soient isolés.
Coefficient de conductivité thermique
Matériau | BTU/hr/pi2/oF/po | W.m-1.K-1 |
AquaRise | 0,95 | 0,137 |
Acier ordinaire | 360 | 51,922 |
Aluminum | 1 000 | 144,23 |
Cuivre | 2 700 | 389,42 |
ASHRAE 90.1
Tableau 6.8.3A Épaisseur minimale d’isolant pour tuyau – Systèmes de chauffage et à eau chaude (Note e)
Tableau 6.8.3B Épaisseur minimale d’isolant pour tuyau – Systèmes de refroidissement (Note d)
Les deux notes portent exactement la même mention : à savoir qu’une certaine marge de tolérance est permise sur l’épaisseur de l’isolation pour les tuyaux qui ne sont pas en acier, auquel cas le tout doit être documenté, c’est-à-dire calculé, et approuvé par le concepteur.
Code national de l’énergie pour les bâtiments (CNÉB) – 2015
Tableau 5.2.5.3. – Épaisseur minimale du calorifuge pour tuyauterie
La démarche du CNÉB est différente de celle de la norme ASHRAE 90.1, ainsi :
- La valeur R annoncée par les fabricants de tuyaux de plastique n’est pas reconnue par le CNÉB. La valeur isolante du tuyau de plastique n’est pas traitée différemment de celle d’un tuyau d’acier ou de cuivre.
- Les tuyaux non isolés sont permis si la température de fonctionnement se situe entre 16 oC (61 oF) et 41 oC (106 oF) et que la tuyauterie se situe dans un espace conditionné. Par espace conditionné, on désigne l’espace chauffé ou refroidi pour l’occupant humain. Par exemple, si l’espace est conditionné à 22 oC (72 oF), l’écart de température n’est pas assez important pour justifier les frais liés à l’isolation de ces tuyaux. Cela dit, la perte ou le gain de chaleur demeure une réalité. Le concepteur doit tenir compte de tous ces faits et de la possibilité que surviennent des températures inférieures à la température ambiante. Le CNÉB énonce un seuil minimal.
Pour conclure, une question : si les tuyaux de plastique non isolés ont une incidence négative sur le secteur de l’isolation des systèmes mécaniques et les efforts de conservation de l’énergie si souvent vantés, n’y a-t-il pas ne serait-ce qu’une personne du secteur canadien qui puisse colliger toutes les données en un exposé scientifique et les présenter aux instances responsables qui permettent encore la présence sur le marché de tuyaux de plastique non isolés ? ▪