par / Ted Lewis and Liam Robertson, Kuhn LLP
Toute modification à un règlement municipal peut avoir une incidence sur la décision des entreprises d’accepter ou de refuser des projets. L’affaire récente Mullany c. Squamish-Lillooet, 2019 BCSC 1581, portait sur le cas d’une modification apportée au règlement municipal après le dépôt d’une demande de permis de construction.
Les faits
Les demandeurs possèdent une propriété dans la réserve des terres agricoles du district régional de Squamish Lillooet.
Les demandeurs prévoyaient convertir un manège hippique en une installation de culture de marijuana thérapeutique. Ce type d’installation était permis conformément au règlement sur le zonage et aux lois provinciales en vigueur à ce moment-là.
Les demandeurs ont présenté leur requête le 14 janvier 2014.
Or, le 27 octobre 2014, le district modifiait son règlement sur le zonage et interdisait l’établissement d’installations de culture de marijuana thérapeutique sur les terrains de moins de 60 hectares.
Le district délivrait un permis de construction aux demandeurs le 17 décembre 2014.
Les demandeurs ont alors entamé les travaux sur la propriété et dans le bâtiment en question : excavation et disposition des sols pour la construction d’une nouvelle fondation en béton.
Les travaux de construction se sont déroulés par intermittence pendant la période visée par le permis. En effet, les demandeurs ont dû prendre le temps de mettre la dernière main à la question de l’interconnexion pour la propriété, de proposer des changements mineurs et d’obtenir du financement.
Le 12 juillet 2018, le district révoquait le permis de construction sans en avertir les demandeurs. Selon les documents officiels, le permis avait été révoqué après qu’un agent immobilier a communiqué avec le district au sujet de la propriété et qu’une enquête commandée dans la foulée a conclu que les demandeurs contrevenaient au règlement. Cet épisode se déroulait seulement six mois avant l’échéance du permis.
Le district a aussi invoqué d’autres raisons pour justifier la révocation du permis : non-conformité, défaut de demander une inspection, défaut de progrès dans les travaux.
Les demandeurs avaient déjà engagé environ 400 000 $ en frais d’experts-conseil et 2 800 000 $ pour obtenir leur licence de production de marijuana de Santé Canada.
Les demandeurs ont intenté des poursuites judiciaires contre le district après que ce dernier leur eut refusé maintes fois de prolonger le permis de construction ou d’en délivrer un nouveau.
Le jugement
Le tribunal a fait remarquer que les inspecteurs en bâtiment ont très peu de marge discrétionnaire pour refuser une demande de permis de construction qui est conforme au règlement.
La question consiste plutôt à savoir si la décision prise en l’occurrence est raisonnable ou non.
Une décision est supposée raisonnable si elle se justifie, si elle est transparente et intelligible, et si elle donne lieu à des résultats possibles et acceptables. La décision du district était loin de correspondre à cette définition surtout que les instances ont décidé de révoquer le permis alors qu’il arrivait à échéance à peine six mois plus tard.
Le bâtiment n’était pas en construction aux dires du district qui affirmait pouvoir révoquer le permis avant son échéance en raison de la lenteur des travaux effectués pendant la période visée par le permis.
Selon le juge, les demandeurs avaient fait la démonstration de leur engagement et les travaux de construction étaient manifestement en cours. Le juge a affirmé que la soudaineté de la décision de révoquer le permis était déraisonnable.
Leçons à tirer
Les promoteurs immobiliers et les entreprises doivent se rappeler qu’il arrive que les municipalités prennent des décisions déraisonnables dans des cas où, la demande ayant pourtant été jugée conforme, le permis est néanmoins ultérieurement révoqué ou rejeté.
Les entreprises devraient autant que possible se tenir au courant des règlements et des modifications aux règlements. Ces changements peuvent avoir une incidence sur la façon dont les entreprises fonctionnent et doivent inciter ces dernières à rester proactives.
Le présent article a été rédigé par Ted Lewis, avocat, et Liam Robertson, stagiaire, qui travaillent dans le domaine du droit de la construction au cabinet Kuhn LLP. L’information qu’il contient constitue simplement un guide et ne s’applique pas forcément à tous. Il est essentiel que vous consultiez un avocat qui examinera votre cas particulier. Pour toute question ou observation sur le cas présenté ici ou sur toute autre cause juridique liée à la construction, n’hésitez pas à communiquer avec nous au 604.864.8877 (Abbotsford) ou au 604.684.8668 (Vancouver).
Le lecteur québécois comprendra que la présente traduction française a été établie dans le contexte du régime de la common law et qu’il doit consulter un juriste pour procéder aux adaptations exigées le cas échéant par le droit civil québécois. ▪