par / Meredith Low
Comme beaucoup, vous avez sans doute reporté vos discussions stratégiques — probablement à la fin de la crise sanitaire. Sans doute. La majorité, selon moi, comprend maintenant qu’on ne pourra pas les reporter indéfiniment. La covid-19 ne disparaîtra pas dans l’immédiat et vous devrez prendre des décisions sur des questions comme le personnel, les activités et les logiciels, sans oublier le budget. En effet, il faut planifier malgré tout.
Mais comment ?
Certainement pas de façon inflexible. Votre plan ne devrait pas être trop détaillé ni trop élaboré pendant une période comme celle que nous traversons. Cependant, la planification reste essentielle. En pleine tempête, il faut quand même savoir diriger son navire. Et quand on me demande des outils de planification pour ce type de situation, on évoque souvent la planification par scénarios, soit la planification par l’établissement de différentes démarches.
Dans le présent article, nous examinerons quelques outils d’analyse et de planification à employer en période d’incertitude quelle qu’en soit la cause. Il y a lieu de préciser que ces outils ne sont utiles que dans la mesure où ils infléchissent la prise de décisions. Si vous deviez prendre la même décision quels que soient les résultats de votre analyse, à quoi servirait alors cette analyse ? Par contre, ces résultats sont très utiles quand vous avez besoin de renseignements que vous n’en avez pas en main pour prendre une décision en toute quiétude. Comme il s’agit essentiellement d’outils d’aide à la prise de décisions, les paramètres doivent en être clairement formulés.
Analyse de sensibilité
Dans la plupart des associations, surtout les petites, le budget se présente souvent en un seul groupe de chiffres. On fait des prévisions sur les éventuels excédents, déficits ou situations d’équilibre. Très souvent, les projections pour tel ou tel poste budgétaire ou activité suivent toujours le même modèle et on en arrive ainsi, par exemple, au budget pour le lancement d’un nouveau produit.
L’analyse de sensibilité nous aide simplement à reconnaître les impondérables de nos projections (quels qu’ils soient — renouvellements d’adhésions, inscriptions à un webinaire, total des revenus), et propose des résultats potentiels. Habituellement, on obtient une valeur attendue, une valeur inférieure et une valeur supérieure. Donc, si vous vous attendez à un taux de 80 % pour le renouvellement des adhésions, vous pouvez aussi espérer un taux optimiste de 85 %, et craindre aussi que ce taux ne soit que de 70 % ; vous procédez alors à une analyse de sensibilité en vous servant de ces chiffres. Vous serez à même de constater l’impact du pire des scénarios, toujours plausible, sur vos revenus dans ce cas-ci.
Quand employer cet outil ?
- Quand il y a incertitude (c.-à-d. chaque fois que vous faites des projections), surtout pour un poste budgétaire important ou quand le degré d’incertitude est élevé.
- Quand vous devez vous préparer au pire ou au mieux (au pire, ce pourrait être des revenus inférieurs ; au mieux, ce pourrait être des pressions sur les ressources).
- Quand vous devez gérer les attentes (p. ex., d’un conseil d’administration) sur toute la gamme des résultats possibles en fonction d’une décision donnée.
Il s’agit là d’un outil qui devrait être employé beaucoup plus souvent par le secteur associatif. Ce qui est intéressant de l’analyse de sensibilité, c’est la discussion sur les conséquences éventuelles de telle ou de telle décision. Quelle différence cet outil fait-il quant aux résultats ? Quelles en seraient les implications ?
Sur le plan mathématique, c’est habituellement très simple bien qu’il y ait évidemment des moyens d’ajouter des variables. Mais attention aux effets que vous pourriez provoquer si vous modifiez plus d’une variable à la fois.
Planification d’urgence
L’idée ici consiste à établir un plan B. Que faire si le plan prévu au départ ne fonctionne pas ? Chaque fois que vous dites nous ferons demain cela si aujourd’hui ceci se matérialise, vous vous trouvez à faire de la planification d’urgence.
La planification d’urgence, c’est une autre façon de dire qu’il faut savoir gérer ses risques. Le risque est inhérent à la vie même et le degré de risque a augmenté à cause de la situation actuelle. Trouver moyen de gérer les risques ou de vivre avec fait partie intégrante du rôle de leadership et de toute réflexion stratégique.
Quand employer cet outil ?
- Des discussions sur la gestion des risques doivent se dérouler en permanence au sein de votre organisme. Surtout pendant une pandémie, le risque fait partie de la structure de gouvernance de l’organisme.
- Lorsque vous lancez une nouvelle initiative d’importance, un plan d’urgence (au cas où) devrait être intégré à la gestion de projet.
- Toute activité devrait toujours, et surtout en période de covid-19, faire l’objet de planification d’urgence exhaustive.
Planification par scénarios
La planification par scénarios suppose d’envisager l’avenir avec imagination et force d’âme, et d’élaborer toute une gamme de scénarios possibles. Prenons l’exemple relativement simple d’un changement législatif précis et important que vous souhaitez promouvoir pour votre secteur. Vous définissez ce à quoi vous pouvez vous attendre pour l’avenir si vous obtenez gain de cause — pour votre secteur, vos membres, votre association. Et dans le cas où vous n’obtiendriez pas gain de cause, vous élaborez de multiples perspectives d’avenir — par exemple, que se passera-t-il si le gouvernement apporte quelques changements, mais pas tous ceux que vous souhaitez ? Que faire si jamais l’échec de vos démarches est pire que prévu ? Et si toute l’affaire traîne pendant des années ? Et si le secteur change entretemps d’une manière ou d’une autre ?
La covid-19 nous a tous obligés à passer en mode de planification par scénarios, mais le changement climatique, l’intelligence artificielle et les mouvements de justice sociale occupaient déjà nos pensées bien auparavant. Tout exercice sérieux de planification par scénarios peut au sein de grands organismes être très complexe et exhaustif. Pour les organismes plus petits, l’exercice sera sans doute plus simple, mais il suppose quand même qu’on soit disposé à envisager de multiples scénarios.
La partie planification de la planification par scénarios nous amène à examiner certaines questions : connaître l’importance de l’exercice, savoir ce qu’il faut faire pour nous préparer à l’une quelconque des éventualités, quels paris à faire sur l’une ou l’autre des perspectives d’avenir possibles. Autrement dit, est-ce qu’il y a des choses qu’on peut faire ou qu’on a omis de faire, et qu’on pourrait regretter plus tard, selon la tournure des événements ? Quels sont les indices dans l’environnement qui nous portent à croire que tel scénario est plus probable que tel autre ?
Quand employer cet outil ?
Certains éléments de la planification par scénarios devraient faire partie de toute discussion de planification stratégique. Essentiellement, l’exercice stratégique consiste à répondre à la question des choix à faire pour réussir et à l’intégrer à sa vision des perspectives d’avenir possibles.
- Quand une situation ou un facteur externe important a un impact significatif sur vous.
- Quand une simple analyse de sensibilité ne suffit pas pour vous aider à comprendre votre situation et à élaborer votre analyse des diverses options qui s’offrent à vous.
Il y a lieu de noter que si la planification par scénarios concerne l’avenir et tient largement compte des facteurs extérieurs, elle porte aussi sur les impacts pour vous. Cela dit, ce n’est pas la même chose que l’analyse de solutions qui examine plutôt les conséquences liées à telle ou telle solution, y compris celle de ne rien faire du tout. L’analyse de solutions s’applique dans les cas où vous devez prendre une décision dans l’immédiat et pour laquelle vous disposez d’éléments que vous contrôlez et que vous pouvez infléchir à l’interne.
Partez faire une promenade, respirez par le nez, amusez-vous un peu…
Oui, il est difficile et épuisant d’assumer un rôle de leadership par les temps qui courent. Les certitudes nous échappent plus que jamais (ou semblent nous échapper plus que jamais), d’où l’angoisse accrue. On a même du mal à définir ses objectifs.
Cela dit, les leaders sont appelés à prendre les bonnes décisions dans l’intérêt de leur organisme. Des outils comme ceux que nous avons présentés ici — et bien sûr ce ne sont pas les seuls — vous aideront à saisir tout problème à bras le corps et à définir les étapes à franchir pour la suite.
Si vous voulez obtenir de l’aide pour utiliser ces outils ou pour établir vos plans — oui, même maintenant —, n’hésitez pas à communiquer avec nous. ▪