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par / Jessica Kirby
La façon dont les Canadiens voient la santé mentale est en train de changer. Tabou et mal compris, les problèmes de santé mentale, qui, bon an mal an, touchent une personne sur cinq au Canada, font maintenant l’objet de communications plus efficaces et plus franches, de campagnes de sensibilisation et d’une acceptation générale de la part des employeurs, du gouvernement et du grand public.
Les campagnes de sensibilisation arrivaient à point nommé dans le contexte de la crise de covid-19. Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale, 50 % des Canadiens disent avoir vu leur santé mentale se dégrader depuis le début de la crise de covid-19. Et dans un sondage récent, 81 % des répondants affirmaient que la covid avait affecté leur santé mentale. Ce qui tombe à point nommé, ce n’est évidemment pas que la proportion des personnes affectées ait augmenté — c’est le fait qu’on soit maintenant sensibilisé à la chose. L’aspect positif de cette augmentation fulgurante des sentiments d’inquiétude, d’angoisse et, dans certains cas, de dépression, c’est qu’on ne peut plus faire comme s’ils n’existaient pas. Nous sommes tous touchés, directement ou non, par des problèmes de santé mentale ; que ce soit un conjoint ou une conjointe dont la dépression affecte toute la famille ou la caissière à l’épicerie qui est brusque parce que, responsable à la maison d’un enfant dont le système immunitaire est déjà taxé, craint de travailler dans le grand public. Peu importe. La santé mentale est devenue le dénominateur commun quel que soit l’âge, le sexe et la situation socio-économique des personnes atteintes, et elle ne connaît pas de frontières. Ceci veut aussi dire que personne ne peut se permettre de ne pas en parler, alors que d’en parler, c’est le pas à faire dans la bonne direction.
Les travailleurs de la construction souffrent de problèmes de santé mentale dans une proportion plus importante que dans d’autres secteurs, et ce sont les hommes qui sont le plus touchés. D’après Statistique Canada, 33 % des travailleurs de la construction disent souffrir de problèmes de santé mentale et 64 % souhaiteraient que leurs employeurs fassent davantage pour soutenir des initiatives en santé mentale.
Selon une étude menée en 2007 par les Alberta Health Services, le tiers des gens de métiers et des ouvriers étaient touchés directement par la dégradation de leur santé mentale. Une étude réalisée neuf ans plus tard révélait que les travailleurs de la construction étaient davantage susceptibles de déclarer une consommation excessive d’alcool et des conséquences négatives liées à la consommation de drogues illicites.
En Colombie-Britannique, WorkSafeBC signale que les demandes de prestations pour cause de problèmes de santé mentale diagnostiqués par un psychologue ou un psychiatre ont augmenté de 25 % entre 2017 et 2019. Ces chiffres sont similaires à ceux qui ont été déclarés dans le secteur de la construction en Ontario et dans les Maritimes.
En 2017-2018, le gouvernement de l’Ontario a mené une étude sur les décès par opioïdes, par profession. Des personnes qui avaient un emploi au moment de leur décès par opioïdes, 31 % étaient actifs dans le domaine de la construction. Ce chiffre correspond aux statistiques selon lesquelles des 43 % des travailleurs de la construction qui ont subi des blessures musculosquelettiques au travail, 25 % s’étaient fait prescrire des opioïdes pour soulager la douleur.
Dans l’ensemble, ce sont les hommes canadiens de la tranche des 45-59 ans qui sont le plus à risque de se suicider ; ils comptent pour le tiers des décès par suicide au pays. Selon Statistique Canada, les hommes sont trois fois plus à risque que les femmes de se suicider, essentiellement parce qu’ils emploient des moyens plus radicaux et qu’ils ont moins d’interactions avec le réseau de la santé. Aux État-Unis, le Center for Disease Control & Prevention (CDC) indique que c’est dans le domaine de la construction que les taux de suicide sont parmi les plus élevés (49,4 / 100 000), et précise que le nombre quotidien des décès par suicide dépasse celui des quatre grands types d’accidents mortels réunis (chutes, électrocutions, collisions, écrasements) consignés par les instances de santé et sécurité au travail.
De nombreuses raisons expliquent pourquoi les problèmes de santé mentale et de toxicomanie affectent autant le secteur de la construction : chantiers isolés, distractions limitées pendant les heures libres, séparation de la famille et des amis, prévalence élevée de la toxicomanie, travail dangereux et très stressant. Pour les hommes, le problème s’aggrave d’autres facteurs : la peur que toute demande d’aide soit mal comprise ou ridiculisée, l’emprise de l’image (réelle ou imaginée) d’homme fort et la crainte de perdre son emploi si on évoque des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie auprès de l’employeur.
Mais le secteur de la construction a rebondi. Les associations, les employeurs, les assureurs et les organismes gouvernementaux travaillent d’arrache-pied à sensibiliser les travailleurs au sujet de l’importance d’intervenir ou de demander de l’aide quand la santé mentale n’est pas ce qu’elle devrait être, et à promouvoir auprès des employeurs et des équipes la réduction de l’opprobre qui pousse les gens à l’isolement.
Bien que l’année 2020 ait connu un taux sans précédent de problèmes de santé mentale et de dépression, d’anxiété et d’angoisse chronique (sans mentionner l’augmentation vertigineuse des cas de violence conjugale, de chômage et de divorce), les travailleurs de la construction s’en sont beaucoup mieux tirés que ceux des autres secteurs.
Morneau Shepell, société de gestion d’avantages sociaux, signale que son Indice de santé mentale au Canada — qui présente l’état actuel de la santé mentale comparativement aux données de référence d’avant 2020 — s’établissait à -10 en juillet de l’an dernier. Dans cet Indice, plus le score est faible, plus la santé mentale est affectée, et les scores les plus élevés sont associées pour cette période à l’extraction minière, pétrolière et gazière (-6,1), à l’immobilier (-6,3) et à la construction (-7,2).
La nature même des travaux de construction explique sans doute ce succès. L’isolement et les pertes ou risques financiers étaient les principales raisons citées pour expliquer la dégradation de la santé mentale. Le fait d’avoir été déclarés travailleurs essentiels a probablement contribué à sauver la situation pour les travailleurs de la construction qui sont généralement bien rémunérés et qui travaillent en équipes. Et même quand le taux de chômage a atteint 13,7 %, les travailleurs de la construction étaient en forte demande.
Si le secteur de la construction semble s’en être mieux tiré que d’autres secteurs, c’est simplement parce que les taux dans les autres industries ont chuté, et non parce que les taux pour la construction se sont améliorés. Les hommes et les femmes qui mènent notre industrie et bâtissent nos collectivités ont toujours besoin de l’aide et du soutien qui viennent avec la sensibilisation et la communication — ceci signifie qu’il est temps de tendre la main ou de demander de l’aide.
Le domaine de la construction, connu pour être un milieu où le travail est dur, s’attache maintenant à comprendre la santé mentale et à normaliser la conversation sur la prévention, le traitement et la guérison. C’est évidemment un effort collectif, et les organismes provinciaux et sectoriels produisent et promeuvent des ressources d’aide. Vous en trouverez une liste ci-après.
Si vous souffrez, parlez-en. Si vous connaissez quelqu’un qui souffre, tendez la main. Et si vous avez quelque chose à offrir – heures de bénévolat ou ressources – vous savez quoi faire. S’il-vous-plaît, faites-le maintenant.
Ressources
Ressources nationales
- Association canadienne pour la santé mentale | cmha.ca/fr
- Ça va pas aujourd’hui | cavapasaujourdhui.ca/fr/
- Need2 Suicide Education & Support | need2.ca
- Fondation Santé des hommes au Canada | fondationsantedeshommes.ca/
Colombie-Britannique
Alberta
- Alberta Health Services | albertahealthservices.ca
- Alberta Construction Safety Association | youracsa.ca
Saskatchewan
- Saskatchewan Construction Safety Association | scsaonline.ca/resources/mental-health
- WorkSafe Saskatchewan | worksafesask.ca
Manitoba
- Mental Health Education Resource Centre of Manitoba | mherc.mb.ca
- Safe Work Manitoba | www.safemanitoba.com/Language/Pages/French.aspx
Ontario
- ACSM Ontario | ontario.cmha.ca
- Mental Health Works | mentalhealthworks.ca
Québec
- CSD Construction | csdconstruction.qc.ca/sante-mentale
- FTQ Construction | ftqconstruction.org/general/parlez-de-votre-douleur-de-votre-tristesse-de-ce-qui-vous-stresse-ne-gardez-surtout-pas-cela-pour-vous
- Association de la construction du Québec | acq.org
Nouvelle-Écosse
- Construction Safety Nova Scotia | constructionsafetyns.ca/mental-health/employees
- Santé mentale et dépendances – Nouvelle-Écosse | mha.nshealth.ca/fr
Nouveau-Brunswick
- ACSM Nouveau-Brunswick | cmhanb.ca/fr/programs-services/programmes-provinciaux
- New Brunswick Construction Safety Association | nbcsa.ca
Terre-Neuve et Labrador
Île-du-Prince-Édouard
- Gouvernement de l’Î.-P.-É. | www.princeedwardisland.ca/fr/sujet/amelioration-des-services-de-sante-mentale
- Construction Association of PEI | capei.ca
Yukon
- Gouvernement du Yukon | yukon.ca/fr/mieux-etre-mental
- Northern Safety Network Yukon | yukonsafety.com
Territoires du Nord-Ouest
- Ligne d’aide des TNO | www.hss.gov.nt.ca/fr/services/ligne-d%E2%80%99aide-des-tno | 800.661.0844
- Northern Safety Association | nsa-nt.ca ▪