par Andrew D. Delmonico and Ted Lewis
En théorie, le privilège dans la construction est un outil éventuellement utile pour obtenir paiement de son travail, mais il n’est pas toujours facile à faire valoir en pratique. En effet, les tribunaux examinent très minutieusement les cas de demande d’exercice du privilège en construction et si la demande n’est pas rédigée très exactement, dans les règles de l’art, elle peut être rejetée. Et notamment, le demandeur doit pouvoir convaincre le tribunal qu’il a bel et bien exécuté des travaux liés directement aux aménagements situés sur les terrains visés par la demande en question.
La Cour supérieure de la Colombie-Britannique s’est penchée récemment sur l’affaire JVD Installations Inc. c. Skookum Creek Power Partnership, dans laquelle des demandes d’exercice de privilège ont été déposées relativement à des terrains sur lesquels les demandeurs n’ont pas directement exécuté de travaux et qui ne constituaient qu’une partie seulement du chantier situé principalement sur des terrains non grevables de privilège conformément à la Builders Lien Act1. Le tribunal a confirmé, dans cette affaire, qu’il pouvait se saisir d’une demande de privilège si les travaux pour lesquels le demandeur veut obtenir paiement constituent une partie intégrante et nécessaire d’un aménagement, et ce même si le demandeur ne peut pas prouver que ses travaux ont directement contribué à améliorer les terrains visés par la demande d’exercice de privilège
Les faits
Dans ce cas, le plaignant agissait comme sous-traitant pour la construction de la plupart des éléments d’un chantier de construction d’une centrale hydro-électrique au fil de l’eau. Le sous-traitant a ensuite confié en sous-traitance de deuxième niveau son travail à une entreprise constituée en filiale à part entière.
Des retards attribuables à des conditions de chantier imprévues et des dommages à des éléments importants du chantier ont donné lieu à des différends sur le paiement des travaux. Ces différends ont poussé les sous-traitants de premier et de deuxième niveaux à déposer une demande d’exercice de privilège. Cependant, le chantier est situé presque entièrement sur des terres publiques, qui sont habituellement non grevables du privilège dans la construction. Seule une petite partie du chantier qui consistait en des lignes de transport d’électricité passant sur des emprises légales à même des terrains privés pouvaient faire l’objet d’une demande d’exercice de privilège. Aucun des deux sous-traitants n’a effectué de travaux sur les terrains où se situent les lignes de transport d’électricité. Comme les demandeurs ne pouvaient exercer leur privilège sur les terres domaniales, ils ont déposé une demande concernant les terrains sur lesquels se trouvent les lignes de transport d’électricité
Le jugement
Le tribunal a été appelé à trancher sur la question de savoir si ces demandes d’exercice du privilège étaient valides, et a jugé que les deux demandes étaient légitimes dans les circonstances. En effet, dans son jugement, la Cour a fait remarquer que la loi n’oblige pas le demandeur à exécuter des travaux sur le terrain décrit dans la demande ; elle stipule que le demandeur doit avoir exécuté des travaux relativement à des aménagements situés sur des terrains grevables de privilège. Dans ce cas-ci, les demandeurs ont pu démontrer que les travaux exécutés constituaient une partie intégrante et nécessaire des aménagements en question et ont donc pu faire valoir leur privilège. En fin de compte, le tribunal a jugé que toutes les parties du chantier, y compris les aménagements situés sur les terrrains de lignes de transport d’électricité, constituaient un ensemble intégré. Les sous-traitants de premier et de deuxième niveaux avaient droit au privilège sur la partie grevable des aménagements, et ce même s’ils n’avaient pas exécuté de travaux directement sur cette partie du terrain.
Leçons à tirer
- Même si vous exécutez des travaux hors-chantier, il se peut que vous ayez droit à un privilège si ces travaux sont liés, dans une mesure suffisante, aux aménagements situés sur les terrains pour lesquels vous demandez d’exercer ce privilège.
- Il se peut aussi que vous puissiez exercer vos droits de privilège sur des terrains sur lesquels seulement une partie des aménagements est située. Si vous travaillez à une partie quelconque d’un chantier qui constitue un ensemble intégré, il se peut que vous puissiez exercer un privilège sur certains des terrains même si d’autres parties des terrains en question ne sont pas grevables d’un privilège. ▪
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