par Jason Krankota
Le secteur de la construction figure parmi les plus lents à adopter les technologies nouvelles. Question de culture, sans doute — les entreprises ont l’habitude d’avoir recours à leurs propres solutions pour régler leurs problèmes. Dans beaucoup de cas aussi, il s’agit d’entreprises familiales où l’on respecte toujours la tradition. Et puis, le secteur est reconnu pour n’offrir que de minces marges de profit ; et ce sont les équipements et le personnel qu’il faut financer en priorité.
Et aussi question de manque d’accès à la technologie — comme si les grandes technologies étaient passées à côté des besoins du secteur. Avant les téléphones intelligents, il était difficile en effet d’intégrer la technologie de pointe dans les chantiers. Et encore fallait-il disposer d’une bonne connection wifi, ce qui n’est pas toujours le cas, ou d’un forfait données qui coûte les yeux de la tête. Au début, les dispositifs électroniques sur le terrain permettaient seulement la saisie de données à la main, ce qui n’était franchement pas très utile pour commencer — devoir entrer manuellement des données sur le chantier n’améliorait pas la productivité et faisait beaucoup de mécontents chez les responsables de chantier.
Mais tout cela a changé maintenant. Les fondateurs des entreprises prennent leur retraite et c’est maintenant aux générations montantes qu’il revient d’appliquer la technologie avec moins de résistance. Les propriétaires de chantiers exigent maintenant, comme condition de financement, le recours à diverses technologies. Et, de fait, de plus en plus de solutions ont été adaptées au secteur de la construction. La connectivité et la capacité de traitement se sont grandement améliorées et les applications mobiles sont plus fiables, plus structurées et plus conviviales. Les caméras, les drones, les systèmes GPS et les technologies d’identification par radiofréquence assurent la saisie de données sans intervention humaine.
Le secteur comprend enfin l’impact de ces technologies nouvelles sur la rentabilité. En voici quelques exemples à garder à l’oeil :
1. RA et RV
En réalité augmentée et en réalité virtuelle, l’usager se sert d’un logiciel BIM et d’un écran d’ordinateur ou d’une paire d’écouteurs pour créer des modèles virtuels d’une structure dans laquelle les sous-traitants peuvent circuler avant même la construction et repérer, en mode virtuel, d’éventuels problèmes de conception et proposer leurs recommandations.
Par exemple, l’entrepreneur électricien peut circuler dans le plan virtuel de l’entrepreneur en mécanique et confirmer l’emplacement d’une colonne montante et de la conduite qu’on installera à côté. C’est ainsi qu’on réduit le nombre et l’envergure des travaux de correction et des retards qui viennent avec. La réalité augmentée sert aussi à donner des formations aux travailleurs d’une façon qui est plus efficace et moins coûteuse.
2. IA – pas encore
L’intelligence artificielle (IA) pourrait avoir des répercussions importantes sur le secteur, mais il faudra sans doute attendre pour cela encore un bon nombre d’années. Cela dit, une application s’impose dans l’immédiat pour la sécurité des chantiers. En effet, il existe déjà quelques outils rudimentaires qui peuvent analyser par vidéo les séquences prises par caméra sur les chantiers et dans les lieux dangereux. Il est aussi possible d’analyser les mouvements des travailleurs pour déterminer s’ils réussissent à accéder aux échafaudages ou à transporter correctement du matériel dans des escaliers, par exemple.
Un jour, l’IA pourrait servir à améliorer l’ordonnancement des chantiers à partir de données d’anciens chantiers et à signaler les problèmes pouvant entraîner des retards. Elle pourrait aussi servir à analyser le rendement des bâtiments au fil du temps et à proposer des recommandations pour les matériaux à employer. Mais l’IA doit s’alimenter d’abord de données utiles, et de données que le secteur aura numérisées précédemment.
3. Internet des objets
S’agissant des secteurs où l’IA semble obtenir quelques succès, comme dans la santé et la transformation, toute l’activité semble concentrée en un pôle. Il est plus facile alors d’installer des détecteurs sur une machine ou un robot et de saisir des données. Évidemment, cela se complique quand on multiple le nombre des chantiers et que les équipements se déplacent constamment ; à ce moment-là, le défi consiste à automatiser la saisie de données, à les stocker dans un dépôt central et à les gérer.
4. Efficience du bureau administratif
La plupart des entreprises se servent déjà d’une plateforme de comptabilité automatisée, mais des lacunes demeurent à ce chapitre.
L’acheminement et l’approbation des factures posent justement problème. Il faut carrément faire faire des scans des factures par le bureau administratif et lui faire envoyer les images des factures par courriel au responsable du chantier. Les images de factures sont du papier numérique, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas considérées comme de réels artefacts numériques. Toutes les données qu’on y retrouve doivent être saisies à la main, et tout le processus d’acheminement et d’approbation est aussi manuel.
Puis, il y a la procédure de paiement. Les solutions censées comprendre toutes les étapes depuis l’acquisition de marchés jusqu’au règlement des factures ne portent en fait que sur les étapes de l’acquisition des biens et services jusqu’à l’approbation des factures… autrement dit, il faut ajouter à ces solutions celle de l’automatisation des paiements. La bonne nouvelle, c’est qu’il est facile d’automatiser les paiements et cette opération ne dépend pas de l’automatisation de la facturation, qui constitue en soi quelque chose de bien plus gros.
5. Renseignements d’entreprise
La plupart des systèmes de planification des ressources d’entreprise proposent toutes sortes de rapports, mais le plus souvent l’utilisateur veut pouvoir y intégrer des données d’autres sources. En effet, les usagers veulent examiner les données en trois dimensions et aller en profondeur. Pour l’instant, les systèmes en question n’offrent pas cette fonction ; comme la somme des données auxquelles les entreprises ont accès continue d’augmenter, de même il faut une plateforme de renseignements d’entreprise qui puisse tout colliger et produire des analyses et des modèles.
Les défis ne manquent pas pour en arriver à numériser entièrement le secteur de la construction. Il reste difficile d’installer une infrastructure technologique quand vous avez des travailleurs répartis sur plusieurs chantiers. Est-ce qu’il faut, par exemple, que tous les ouvriers soient, en même temps, retirés des chantiers pour suivre une formation ? Probablement pas. Ce n’est que très lentement que la technologie est adoptée ; certains travailleurs emploient des dispositifs électroniques tandis que d’autres s’en tiennent aux méthodes traditionnelles. En conclusion, on peut penser que l’industrie est sur la bonne voie et ce même si les changements sont lents. ▪
Jason Krankota est vice-président des ventes en construction, région de l’Ouest, pour Nvoicepay. Il possède vingt ans d’expérience, dont plus de dix ans dans le domaine des solutions pour les règlements financiers corporatifs, les comptes fournisseurs et la gestion des dépenses.